martes, 24 de noviembre de 2015

Etude de L´oeuvre De Marcien Towa

Etude de L´oeuvre De Marcien Towa

L´idée D´une Philosophie Négro-africaine, Ed. Cle Yaounde, 1979
1.      L´auteur et son contexte
L´étude d´une oeuvre implique deux choses:
a)      La vie de l´auteur,
b)      Le contexte d´émergence de son oeuvre.
1.1. Bibliographie de Marcien Towa
  • Philosophe Camerounais, M. Towa est né en 1931 à Endama,
  • En 1955, exclu du grand séminaire d´Otélé, il poursuit les études supérieurs à Caen et à la Sorbonne.
  • En 1959 il obtint une licence puis D.E.S (diplôme d´études supérieures en philosophie sur Bergson et Hegel.
  • En 1969 il obtient un doctorat de 3ème cycle,
  • En 1977 il obtient un doctorat d´Etat en philosophie.
  • De 1963-1968 il occupa des responsabilités à l´école normale supérieure de Yaoundé.
  • De 1970-1988 il fut chef de département de philosophie à l´université de Yaoundé.
  • En 1993 il occupa le poste de recteur de l´université de Yaoundé II, maire de la localité de Elig-Mfomo.
  • Est membre fondateur de la revue culturelle camerounaise Abbia.
Auteur de Plusieurs Ouvrages dont:
  • L´essai sur la problématique philosophique de l´Afrique, Yaoundé, Clé, 1971, 77p.
  • L´idée d´une philosophie africaine, Yaoundé, Clé, 1979, 118p.
  • Léopold Sédar Senghor, La Négritude ou servitude, Yaoundé, Clé, 1971, 115p.
  • Qu´est-ce que la Négritude? (Thèse de doctorat troisième cycle)
  • Identité et transcendance, (Thèse de doctorat d´Etat)
Les Articles
  •  “Analyse de l´ouvrage de L.S.Senghor, Liberté I, Négritude et Humanisme”, article publié dans la revue de l´Institut Africain de Genève en 1965;
  •  “Le Consciencisme: émergence de l´Afrique moderne à la conscience philosophique”. Etude publiée dans Abbia nº20, 1968 et reprise dans Présence Africaine, nº83, 1973;
  •  “Aimé Césaire, prophète de la Révolution des peuples Noirs”, Abbia, janvier-abril 1968.
1.2.  Contexte d´émergence De l´oeuvre

2. La Structure de L’œuvre
2.1. Architecture Externe
L’œuvre de Towa comporte trois parties
Introduction
I.     La philosophie et ses problèmes: pp. 7-13.
1)      La philosophie comme pensée de l’absolu
2)      Dimension pratique de la philosophie
3)      Philosophie et philosophies
II. La philosophie africaine: mythe ou réalité: pp. 15-44.
1)      Existe-t-il une philosophie négro-africaine propre?
2)      Philosophie et anti-philosophie
3)      Réalité d’une philosophie négro-africaine
III. Les problèmes d’une philosophie africaine de notre temps: pp. 45-69.
1)      Pour ou contre la philosophie en Afrique?
2)      Quelle philosophie pour l’Afrique?
a)      Notre condition présente
b)      Notre but
c)      Domestiquer la science et la technologie
d)     L’occident impérialiste, ennemi de la pensée
e)      Exorciser le culte de la différence
f)       La révolution comme condition de toute renaissance culturelle

Conclusion 

2.2. Architecture Interne
  • La première partie indique ce qu’est la philosophie en générale.
  • La deuxième partie montre comment les différentes philosophies s’articulent à l’intérieure de la philosophie.
  • La troisième porte son regard sur l’élaboration d’une philosophie négro-africaine moderne à même de répondre à nos aspirations et nos besoins.
I. La Philosophie et ses Problèmes
  1. La philosophie comme pensée de l’Absolu
  • La philosophie est le courage de penser l’absolu.
  • La pensée au sens restrictif du terme: peser, discuter les représentations, les croyances, les opinions, confronter, examiner, discerner, trier, critiquer pour en faire le tri: c’est le propre de l’homme.
  • Le projet de la philosophie est de développer chez l’homme, la pensée pour discerner et assumer la direction de sa vie.
  • C’est  en cela que réside toute la différence entre philosophie et mythe.
  • Ce qui constitue l’esprit mythique c’est: l’inaptitude, le renoncement à penser, réfléchir par soi-même de manière autonome, pour discerner et admettre pour vrai ce qui est claire et distinct.
  • L’esprit mythique décharge la responsabilité de la substance pensante sur un autre: héros mythique, « un grand homme », etc.
  • Le mythe est une invitation à la divagation émerveillée de l’esprit à travers le temps et l’espace.
  • La philosophie refuse le vagabondage en pays de l’imaginaire. Elle veut penser les croyances mythologiques, les tenir ensemble sous le regard de l’esprit, les peser, les soupeser pour en déterminer la part de vérité qu’il y a en elles.
2. Dimension Pratique de la Philosophie
  •   La philosophie est essentiellement refus du principe d’autorité. Elle est exigence de rationalité, elle procède de la même manière que les sciences.
  •   Entre philosophie et dogmatisme religieux, il y a opposition.
  •  Entre philosophie et science il y a juste une distinction:
a)      science: relève du domaine de la spécialisation étroite, neutralité éthique et idéologique, exigence de vérification rigoureuse.
b)      Le philosophe intervient dans tout débat qui touche au destin de l’humanité, en visant à développer ce qu’il y a de plus noble en l’homme: sa pensée. 

3. Philosophie et Philosophies
  •  La démarche philosophique est caractérisée par la connaissance rationnelle et méthodique de la réalité tant physique que socioculturelle.
  • Ce qui différencie et oppose les philosophies, sont les intérêts.  
II. La Philosophie Africaine: Mythe ou Réalité
1.      Existe-t-il Une Philosophie Négro-africaine Propre?
      la question de l’existence ou de l’inexistence de la philosophie africaine propre en appelle à une autre question fondamentale: « qu’est-ce que la philosophie »?
      La quête d’une réponse afférant à l’existence ou non de la philosophie africaine, se veut une réponse au syllogisme du racisme idéologique de l’impérialisme européen:
      « L’homme est un être essentiellement pensant, raisonnable. Or le nègre est incapable de pensée et de raisonnement. Il n’a pas de philosophie, il a une mentalité prélogique, etc. » (p.17).
      Affirmer que les Africains ont une philosophie ou des philosophies propres, en mettant en corrélation le mot philosophie avec le mythe, c’est n’est pas réfuter le syllogisme raciste,  mais plutôt le confirmer; c’est reconnaître que l’Africain a une mentalité prélogique, étrangère à la raison.
      La réponse à cette question doit être non complaisante, car au sort de la philosophie est liée celui de la liberté. 

2. Philosophie et Anti-philosophie
  • Un grand nombre de sociétés ne tolèrent aucune discussion sur les croyances, les valeurs et les normes suprêmes. Ce dire donc que toutes les cultures n’ont pas de philosophie, mais en sont capables.
  • Les cultures dans lesquels il ne se manifeste pas la réflexion philosophique sont anti-philosophiques et non aphilosophiques.
  • La culture des Hébreux est un bel exemple de culture anti-philosophique. Le péché des péchés, le péché originel de l’homme fut d’avoir manger des fruits de l’arbre du discernement du bien et du mal, d’avoir osé penser par lui-même.
  • Le péché originel du point de vue biblique, c’est la pensée de l’absolu, c’est-à-dire la philosophie.
  • La démission de la pensée et la soumission consacrent l’écrasement et l’humiliation de l’homme sous la férule d’un Dieu hostile à la raison, un Dieu qui n’est que le déguisement transparent du despotisme oriental.
  • Le coran, dit Towa est bâti sur l’opposition entre le croyant, le soumis, le résigné et l’incroyant, le rebelle.
  • L’incroyant refuser de s’humilier, de se prosterner, il doute, exige des preuves pour croire. En lui tous les douteurs, les poseurs de questions ont été in « illo tempore » jugés, parce qu’ils refusent d’obéir à l’ordre d’Allah.
  • Voilà pourquoi en terre d’Islam, la philosophie ait succombé à l’hostilité du dogmatisme et du despotisme.
3. Réalité d’une Philosophie Négro-africaine.
      Le monde négro-africain est-il hostile à la pensée de l’Absolu?
      Existe-t-il oui ou non une philosophie négro-africaine?
      Critiquant le senghorisme qui opposait l’émotion nègre à la raison grecque, Cheik Anta Diop disait que ce sont les peuples noirs de la vallée du Nil qui, les premiers, ont développé les sciences et les techniques et qui, « ont commencé à être puissants sur la terre ».
      La conscience de la singularité de la culture négro-africaine, de son antiquité, de sa complexité, de sa richesse et de sa diversité doit nous rendre prudents et méfiants à l’égard des généralisations simplistes (p.24-25).
      L’Egypte pharaonique présente une pensée qui contraste avec la Bible:
- Le souci d’unité résultant d’une intégration par synthèse de toutes les valeurs. La multiplicité des divinités égyptiennes est conçue comme formant qu’un seul avec Dieu.
      La reconnaissance de l’égalité entre les hommes fournit la base du débat philosophique, de la pensée de l’Absolu, lequel n’est qu’une possibilité de l’homme lui-même.
-          La culture égyptienne se fonde sur la rationalité: la conduite de l’Egyptien est régit par une valeur centrale: la Maat.
-          Maat: sur le plan cosmique (exactitudes, mesure correcte), sur le social éthique (vérité, justice et ordre).
-          Maat désigne ordre sans cesse menacé par son contraire, le désordre, la démesure, la violence.
-          Pour le roi, Maat signifie devoir de maintenir ou de restaurer l’ordre, la justice et l’honnêteté; chercher à conquérir la maîtrise de soi et la bonté.
-          Pour l’Egyptien, cette instruction est le fruit de l’expérience des ancêtres: « Voici, je t’ai livré le meilleur de ma pensée. Agis selon ce qui est mis sous tes yeux », Merikaré.
      La sage égyptien écrit: « Ne sois pas imbu de ton savoir. Consulte l’ignorant et le savant. Les limites du savoir ne sont jamais atteintes. Nul savant ne parvient à la perfection. La vérité est plus cachée qu’une pierre précieuse. Et cependant elle peut être trouvée chez d’humbles pileuses » (p.30).
      Ce mélange d’audace et de modestie conduit Pythagore à substituer le mot de philosophie à celui de sagesse (sophia).
      L’homme est dit divin dans la mesure où il recherche et respect la Maat.
      Qu’en est-il du reste de l’Afrique Noire?
      Il analyse la littérature orale notamment les contes sapientiaux et en évalue leur caractère philosophique.
      Il mention le contraste qu’il y a entre l’intelligence humaine d’avec les traditions sémitiques.
      La pensée traditionnelle africaine est exaltation de l’intelligence au service du droit.
      Refuse de faire l’intelligence le monopole d’un être unique et accorde de l’importance à l’acquisition de la sagesse.
      Refuse toute forme d’absolutisme et privilégie le débat comme seul critère qui fonde les valeurs et les normes suprêmes.
      C’est en cela qu’elle est philosophique, étant entendu que la philosophie est d’abord et avant débat sur l’essentiel, sur l’absolu. 
      La pensée égyptienne et celle de l’Afrique noire traditionnelle se rejoignent sur la nécessité de la réflexion et du débat, unique voie d’accès à la vérité. 

III. Les Problèmes d’une Philosophie Africaine de notre temps
      Après avoir montré l’existence de la philosophie dans la tradition culturelle africaine, Towa pose une question d’ordre générale et une autre d’ordre spécifique.
      La question d’ordre générale consiste à dire: il faut opter oui ou non pour la philosophie.  L’option pour la philosophie résulte de l’engagement en vue de l’autonomie et de l’égalité.
      Sous l’angle négatif: c’est le refus du « miraculisme », de toute mythologie et de toute idéologie qui inviterait le sujet à renoncer à son pouvoir d’examiner et de juger par soi-même; et à décharger cette responsabilité sur un autre.
      La renaissance philosophique de Afrique est étroitement liée à la situation politique et économique.
      L’Afrique esquissera des hypothèses philosophiques si et seulement si, elle se bât pour offrir à ses fils et filles les portes d’espérance.
      La philosophie ne fleurit pas dans un contexte absolutiste, despotique et hostile au débat.
      Quelle Philosophie pour l’Afrique?
      Il écrit: « une philosophie qui soit la saisie critique, la théorie de ce qui est ou en cours, de ce que nous voulons, la prévision des conditions de réalisation de notre dessein fondamental, des principaux obstacles qui nous en séparent et de la manière de la surmonter » (p.51). Il rêve d’une philosophie militante qui peut contribuer à transformer l’Afrique. 
a)      notre condition présente
L'Afrique ploie sous le joug du capitalisme international qui perpétue les blessures infligées par la traite négrière et la colonisation. Cette mainmise sur le continent constitue une des causes majeures du retard au niveau de la pensée philosophique en Afrique
b) Notre but
La lutte pour la libération et l’émancipation du continent du joug colonial passe par l’identification de l’ennemi et de ses complices tant au niveau interne qu’externe. La véritable révolution suppose deux choses:
-          Une transformation en profondeur;
-          Savoir s’entour d’alliés.
c) Domestiquer la science et la technologie
  • Il est temps que les fils et filles de ce continent développent l’amour de la techno-science, car « ceux qui ont la supériorité sur le plan de la connaissance et du contrôle des phénomènes naturels établiront leur domination sur les autres » (p.58).
  • Pour y parvenir l’homme Africain doit se défaire de la pesanteur des croyances mythiques.
d) L’Occident impérialiste, ennemi de la pensée
   L’Occident s’oppose à tout désir de cultiver la pensée, parce que l’esprit éclairé, éveillé s’opposer à toute forme d’asservissement, de domination. Voilà pourquoi « l’Occident entreprend la falsification systématique de l’histoire et de la culture des peuples dominés dans le dessein de justifier la domination ». Il se trouve que la religion est l’un des moyens pour l’Occident de s’assurer cette mainmise sur l’Afrique.
e) Exorciser le culte de la différence
    Il faut exorciser cette hantise de l’originalité et de la différence, et porter un regard critique sur les traditions.
      Towa prend ses distances d’avec la négritude qui faisait l’éloge de la culturelle négro-africaine.
      Il suggère « la science de la fin, de ses implications et de ses conditions de réalisation »; puis de préciser: « Si cette fin est, comme nous le disons, la libération non seulement de la domination de la bourgeoisie internationale et de ses agents indigènes, mais également de tout traditionalisme, qu’il soit africain, judéo-chrétien ou musulman, c’est par rapport à cet impératif que tout sera scruté et jugé. L’absolu ne serait plus un dogme opaque, un fantasme mystérieux, mais l’homme concret, ses besoins et ses aspirations ».
f) La révolution comme condition de toute renaissance culturelle
   Il faut une révolution socioculturelle qui renversera le rapport de force entre colonisateurs-colonisés. La révolution octroiera au colonisé le pouvoir de décision sur son propre sort. La révolution désacralise la tradition et l’ouvre à d’autres traditions. La science et la technologie pourront alors œuvrer à la préservation et à la diffusion des cultures traditionnelles. 

3. Problématique et Intérêt Philosophique de L’œuvre
3.1. Thèmes et Thèses
  •  Thèmes: la philosophie, l’ethnophilosophie, l’existence de la philosophie africaine, la philosophie et le mythe, la philosophie et la religion, la philosophie et la science, Techno-science et libération de l’Afrique, Révolution et renaissance culturelle.
  •  Thèses:
-          « La philosophie est pensée de l’absolu ou encore débat sur l’essentiel, sur l’absolu ».
-          « Toutes les cultures n’ont pas de philosophie, mais toutes en sont capables » (p.19).
-          La philosophie africaine existe et ne saurait se confondre à l’ethnophilosophie. L’analyse des textes de l’Egypte antique et de l’Afrique traditionnelle porte à penser à l’existence d’une tradition philosophique en Afrique.
-          « La pensée africaine ne place rien au-dessus de l’intelligence » (p.38).
-      « La pensée africaine profonde refuse de reconnaître à quiconque le monopole de l’intelligence et de la perfection éthique » (p.39).
-          « Opter pour la philosophie, c’est s’engager pour l’autonomie et l’égalité » (p.47).
-       « Le traditionalisme est immobilisation de la tradition par sacralisation ou par naturalisation ».

3.2. L’intérêt Philosophique
      L’existence d’une philosophie africaine est une évidence pour Towa, cependant, elle fait face à d’énormes problèmes et défis à relever.
      La démarche philosophique de Towa diffère de celle des « ethnophilosophes », parce que sous-tendue par la raison. Il définit la philosophie comme étant un débat sur l’essentiel, sur l’absolu. Ce débat s’appuie essentiellement sur la lumière, c’est-à-dire sur la force de la raison.
      La pensée africaine, qu’elle soit de l’Egypte ou de l’Afrique traditionnelle est imprégnée d’une pensée philosophique.
      Il ne fait pas un éloge naïf du passé, au contraire, il invite les Africains à la réflexion et à l’action pour opérer une véritable révolution socioculturelle dans un continent qui garde encore en mémoire les blessures de la traite négrière, de la colonisation.
      La révolution passera par la maîtrise de la science et de la technique.

3.3. Prolongement de l’œuvre
  • Towa fait partie de ces philosophes dont la réflexion philosophique a un retentissement mondial.
  •  La philosophie se veut être un mode d’expression de l’Afrique contemporaine.
  •  L’Afrique doit participer à la marche du monde en apportant sa pierre à l’élaboration de la pensée mondiale, à l’exemple des Egyptiens qui ont contribué au rayonnement philosophique des grecs.
  • La philosophie négro-africaine doit répondre à nos aspirations et à nos besoins. La philosophie africaine doit répondre aux mêmes exigences de rationalité que la philosophie occidentale.
  •  La philosophie africaine doit contribuer à la transformation effective de condition de vie des africains, elle doit être le levier de la révolution socioculturelle dont l’Afrique a besoin.

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